3 articles de l'Oeil
3 articles du magazine l’Oeil dont un portrait et une interview de Yann Le Bohec sur le marché de l’Art en Bretagne
QUESTIONS À…
Yann Le Bohec : Galeriste
PAR MARIE ZAWISZA · L'OEIL
LE 25 JUIN 2015 - 184 mots
Que défendez-vous dans les sujets bretons ?
J’essaie surtout, depuis une quinzaine d’années, de changer un certain regard qu’on a pu poser sur l’art de cette
région qui a souffert d’une image folklorique et caricaturale véhiculée par de nombreux poncifs, comme les retours de
pêche représentés par l’école de Concarneau. Je ne défends donc que des artistes qui sont ancrés dans leur époque,
et non dans une représentation figée et passéiste.
Qui sont les artistes les plus recherchés ?
Les plus célèbres : Mathurin Méheut, ainsi que le maître de la gravure Henri Rivière. Ses estampes de paysages
bretons, très marquées par le japonisme, sont extrêmement prisées… Cela dit, certains artistes moins connus comme
Auguste Matisse peuvent rencontrer aussi un certain succès.
Quel est le profil de vos clients ?
J’ai une clientèle fidèle, mais aussi très diverse. Certains veulent avant tout décorer leur maison ou transmettre une
culture à leurs enfants ; d’autres peuvent s’intéresser à un thème précis chez un peintre. Et puis, je reçois aussi des
collectionneurs parisiens, qui ont une résidence secondaire dans la région et se prennent de passion pour son art et
son histoire !
Cet article a été publié dans L'OEIL n°681 du 1 juillet 2015, avec le titre suivant : Yann Le Bohec : Galeriste
GALERISTE
Yann Le Bohec - Le méridien breton
PAR CHRISTINE COSTE · L'OEIL
LE 19 MARS 2013 - 233 mots
Il fallut l’éloignement des études supérieures de commerce poursuivies à Montréal pour que Yann
Le Bohec découvre son attachement à la Bretagne et porte un autre regard sur sa région natale.
Il fallut ensuite la visite du Wolfsonian Museum de Miami, constitué autour d’une collection de design et d’affiches de
propagande des années 1930-1940, pour qu’un fauteuil breton signé Paul Fouillen provoque le basculement vers la
vente de mobilier breton et de faïences de Quimper avec l’ouverture à Montréal d’un magasin d’antiquités.
La constitution d’un réseau de marchands, de collectionneurs sur Internet et la participation à des Salons aux États-
Unis ont construit progressivement une trame qu’à son retour dans les environs de Paimpol, par choix de ne pas
déraciner ses enfants de la région familiale, Yann Le Bohec espérait prolonger en France. En vain. Le marché, les
comportements sont différents et eBay fait des ravages. Les peintures d’Henri Rivière, Charles Lapicque, Mathurin
Méheut, Jean-Georges Cornélius, Eugène Feyen, Signac, les dessins de Louis Faudacq et les sculptures aussi de
Bachelet ou Quillivic entrouvrent cependant d’autres perspectives, d’autres expertises que la création de la galerie
Armel à Paimpol cristallise. Une ouverture portée par le désir de faire connaître les créations en Bretagne de 1800 à
nos jours, de découvrir ou redécouvrir aussi d’autres artistes modernes ou contemporains négligés, qui trouve écho
auprès d’une clientèle de collectionneurs avertis ou débutants de plus en plus élargie.
COLLECTIONNEURS
Collectionner l’art breton
PAR MARIE ZAWISZA · L'OEIL
LE 25 JUIN 2015 - 964 mots
En Bretagne, où les artistes d’avant-garde ont participé à la construction de l’art moderne, un
véritable marché autour des «Â petits maîtres » bretons s’est développé.
Surannée, la Bretagne ? Que nenni. Rares sont les maîtres impressionnistes et modernes qui ne l’ont pas peinte – et
dont les oeuvres peuvent atteindre plusieurs millions en salles des ventes, à l’instar de Port-Coton : Le Lion de Claude
Monet, peint en 1886 à Belle-Île-en-Mer, adjugé en novembre dernier chez Christie’s New York pour 3,73 millions de
dollars. Sotheby’s, dans sa vente d’art impressionniste et moderne à Paris le 3 juin, a ainsi proposé deux toiles,
signées l’une Félix Valloton, l’autre Bernard Buffet, représentant des paysages bretons. « Par sa lumière changeante,
sa nature sauvage, la Bretagne a eu un fort impact sur les avant-gardes », observe Aurélie Vandevoorde, directrice du
département Art impressionniste et moderne chez Sotheby’s France. Et certains collectionneurs entretiendraient un
rapport affectif particulier avec les sujets liés à cette région, essentielle dans la construction des mouvements d’avantgarde.
Elle fut la première à se désenclaver grâce au chemin de fer, dès 1857, au moment même où apparaît le tube
de peinture, qui permet de peindre en plein air. Monet la découvre en 1886, un an après Paul Signac et l’année même
où Paul Gauguin s’installe à Pont-Aven. Le mouvement est lancé – Vlaminck, Derain, Matisse, Braque ou encore
Picasso suivront… « Max Ernst y invente même en 1925, un jour de pluie où il s’ennuie, la technique du grattage,
découverte essentielle pour la peinture surréaliste », avance Aurélie Vandevoorde. Et, si pour les artistes de la
seconde moitié du XXe siècle, la Bretagne ne présente plus l’attrait de la découverte, elle continue néanmoins de les
fasciner, de Bernard Buffet à Gilles Aillaud, qui y réalise de grandes compositions paysagères dédiées à cette région,
en passant par Pierre Alechinsky ou Jean Bazaine.Ce n’est pas tout : si les sujets bretons des grands maîtres
alimentent régulièrement galeries parisiennes et salles de vente internationales, en Bretagne, un véritable marché
s’est établi autour des « petits maîtres » bretons – Mathurin Méheut, Georges Cornélius, ou encore Jeanne Malivel,
graveuse cofondatrice du mouvement artistique Ar Seiz Breur qui se dressa entre les deux guerres mondiales contre
les « biniouseries » pour créer un art breton vivant. Des galeries spécialisées, comme la Galerie Armel, tenue par
Yann Le Bohec à Paimpol, les défendent et des maisons de vente, comme Thierry-Lannon ou Adjug’Art à Brest,
proposent régulièrement des ventes qui leur sont dédiées.
Un vent de renouveau : Ar Seiz Breur et Méheut
Un graphisme moderne aux accents « art déco », qui sublime le monde pêcheur et paysan : c’est le point commun
entre ces deux oeuvres des années 1930. L’une est une estampe du cofondateur du mouvement Ar Seiz Breur, le
sculpteur Georges Robin, mort à 24 ans, dont les oeuvres sont très rares et dont les sculptures en faïence peuvent
atteindre entre 10 000 et 15 000 euros. L’autre est une aquarelle du plus grand des « petits maîtres » bretons,
Mathurin Méheut. Ses oeuvres sur papier abouties, comme celle-ci, sont d’une grande rareté. Ses plus beaux tableaux
peuvent se négocier autour de 40 000 euros.
Georges Robin (1904-1928), Bigoudène sur le quai, bois gravé en noir, signé du monogramme en bas à gauche.
Envoi en bas à droite « Avec mon meilleur souvenir, à mademoiselle Jeannig », circa 1924, 14 x 10 cm.
Mathurin Méheut (1882-1958), Sardiniers aux filets, aquarelle, circa 1930.
Estampe de Georges Robin vendue 1 200 € en 2012 ; aquarelle de Mathurin Méheut vendue 7 000 € en 2010. Galerie
Armel, Paimpol.
Les Bretonnes : Charles Fréger
Coiffes, sculptures contemporaines ou architectures gothiques ? Un peu les trois sans doute. « Ces coiffes évoquent à
la fois des représentations du Moyen Âge ou de la Renaissance, des motifs de l’école de Pont-Aven et l’image de
carte postale qu’on se fait parfois de la Bretagne. J’ai voulu jouer sur cette imagerie, tout en m’intéressant à la
dimension sculpturale de ces objets », explique Charles Fréger. Ce photographe portraitiste des communautés
humaines, passionné par les clans et les individus qui les constituent, expose sa série des Bretonnes cet été à
Rennes, Guingamp, Saint-Brieuc et Pont-l’Abbé et publie un livre qui lui est consacré aux éditions Actes Sud (264 p.,
35 €).
Charles Fréger, Coiffe de l’Aven. Ensemble de cérémonie, pays de l’Aven, région de Fouesnant, 1940. © Charles
Fréger.
Prix : en général, pour une photographie de Charles Fréger : environ 4 000 €.
Expérimentations : Charles Lapicque
Les régates peintes par Charles Lapicque en 1951 comptent parmi les plus recherchées de cet artiste amoureux de la
Bretagne, qui fut aussi un important théoricien de la peinture et un grand scientifique. « C’est à cette époque qu’il
trouve son style, s’éloignant de l’abstraction pour devenir plus figuratif et approfondir ses expérimentations sur la
couleur », rappelle le galeriste Yann Le Bohec. Ici, le peintre physicien représente les voiles transparentes pour
donner le sentiment du mouvement.
Charles Lapicque (1898-1988), Régates, 1951, huile sur toile, signée et datée en bas à droite, 81 x 116 cm, ancienne
collection Peter et Barbara Nathan.
Vendu environ 180 000 € en 2012, Galerie Armel, Paimpol.
Naissance d’un maître : Félix Vallotton
Un paysage peint sur le motif ? On pourrait le croire. « Mais, en réalité, Vallotton réalise des croquis et note sur son
carnet ce qu’il ressent, pour retranscrire ensuite cette émotion sur la toile en atelier, comme par exemple sur cette toile
à travers les jeux de lumière sur les maisons », note Aurélie Vandevoorde, chez Sotheby’s. Ce paysage appartient à
l’une des périodes les plus recherchées de l’artiste nabi, car essentielle dans la construction de son oeuvre. Si l’oeuvre
ne s’est pas vendue chez Sotheby’s le 3 juin dernier, « un autre de ses paysages bretons, au sujet similaire, a été
adjugé plus d’un million de dollars à Zurich », observe l’experte.
Félix Vallotton (1865-1925), Le Chemin, Locquirec, 1902, signé
F. Vallotton et daté 02, huile sur carton, 31,6 x 48,7 cm.Estimation : 180 000-250 000 €, Sotheby’s, Paris.
Cet article a été publié dans L'OEIL n°681 du 1 juillet 2015, avec le titre suivant : Collectionner l’art breton
En galerie : Armel Galerie, 64bis avenue du général de Gaulle, Paimpol (22), tél. 06 64 18 64 29. Sur rendez-vous.