Charles Lapicque
La science de la peinture
Chez Charles Lapicque la démonstration la plus éclatante est, fort justement, la mer, par lui mille fois recommencée La mer, source inépuisable de son inspiration, depuis la Bretagne jusqu'à cette ville mythique de Venise, où l'Art côtoie la mort, thème cher à Lapicque, et, par delà les rives d'occident, jusqu'à cette autre mer, cette autre solitude qu'est le désert. Cette mer contemplée du rivage, adulée et combattue à la barre de ses voiliers, affrontée sur les navires de guerre, cette mer recréée dans les souvenirs de son atelier parisien, on la retrouve partout, grave ou rêveuse, calme ou démontée, farouche ou amie solitaire, tantôt cantate de Bach, oratorio de Haendel, divertissement ou chant d'amour de Mozart dans ses messes ou dans ses opéras.
Georges Lapicque (fils aîné de Charles)
Charles Lapicque a véritablement révolutionné la peinture française des années 1940.
Coloriste et théoricien, l’artiste est présent dans de nombreux musées en France (Paris, Nantes, Dijon, Grenoble), à l’étranger (Bruxelles, Stuttgart, New-York, Toronto, Munich, Copenhague..) et fait partie des maîtres de la peinture. Son œuvre, l’une des plus fabuleuses du 20ème siècle, demeure malgré tout encore sous-estimée.
Ses œuvres réalisées entre 1939 et 1953 furent pourtant décisives pour le développement de la peinture non figurative.
L’œuvre de Charles Lapicque est forte, variée, originale. Audacieux, le peintre s’ouvre au monde en sachant mêler parfaitement ses préoccupations artistiques et ses observations scientifiques. L’artiste, de par son besoin d’aller de l’avant, peint pour comprendre.
Précurseur sans le vouloir, Charles Lapicque est un génie d’invention, un artiste unique en son genre. Ce novateur analyse et reconstitue le réel avec beaucoup d’imagination et de fantaisie. Peintre d’exception, Charles Lapicque a abordé une multitude de sujets (tigres, musique, joueurs de tennis, courses de chevaux, régates, manœuvres navales, Rome, Venise…) avec une technique à la fois abstraite et figurative. Les supports et techniques sont nombreux (huile, gouache, acrylique, encre de chine, dessins…). Charles Lapicque, de par ses recherches picturales et scientifiques, a su donner un nouveau rôle à couleur dans la peinture.
Cette œuvre riche - et parfois difficile à comprendre - est un perpétuel recommencement :
« Il est bienfaisant de voir un artiste retourner aux sources les plus diverses, ne pas abandonner la tradition et, néanmoins, créer un art tout à fait nouveau » Peter Nathan.
Charles Lapicque explore les différents moyens de représenter l’espace sans s’emprisonner dans une théorie plus qu’une autre. Le mouvement cubiste lui inspire une extraordinaire liberté dans la façon d’aborder les plans et les formes dans l’espace, les perspectives multiples, la couleur, la transparence.
Lapicque tend sans cesse à éliminer la distance dans l’espace ou dans le temps.
« Pour l’homme, nous dirons que c’est un solitaire malgré lui. Avide de communion avec toutes les présences du monde, il trouve bien souvent qu’il y a du creux et il se retire, attendant quelque manifestation de la plénitude. Et c’est un homme qui, voué à la transfiguration de l’apparence, ne vit que pour l’esprit. L’imaginaire est sa patrie.
Pour l’artiste, c’est un créateur né dont l’œuvre nous atteint par l’invention et la nouveauté, mais plus encore par l’amour qu’elle exprime et qui fait appel très profondément à notre sympathie »
Elmina Auger.
L’ossature bleue, un tournant essentiel dans l’œuvre de Charles Lapicque
Charles Lapicque invente en 1939 le style de « l’ossature bleue » ou style de la grille. Cette découverte – aussi capitale que l’apparition du Cubisme quelques années auparavant - recueillera un franc succès lorsqu’il participe en 1941 à Paris à l’exposition des « Peintres de Tradition Française » à la galerie Braun. Il devient alors le chef de file d’une nouvelle génération d’artistes : Manessier, Bazaine, Le Moal, Singier ou encore de Staël. Il n’y aura pas de mouvement mais le système de la grille fait école.
Charles Lapicque, de par ses recherches scientifiques et ses influences picturales abstraites, cubistes et fauves, a bouleversé in extenso l’ordre établi depuis la Renaissance. En effet, le bleu et le rouge ne sont plus utilisées de la même manière. Son vif intérêt pour les Arts décoratifs du 18e siècle (faïences de Rouen notamment) et pour les arts du Moyen Age (tels que les émaux, les tapisseries, les vitraux) participe à cette révolution de l’échelonnement classique des couleurs : « Cela m’a révélé la valeur expressive et lyrique de la couleur pure ».
Le bleu, qui jusqu’à présent représentait la couleur du lointain, se retrouve désormais au premier plan : une nouvelle représentation de l’espace est créée. Alors que le bleu domine, l’orange, le rouge et le jaune sont en retrait et provoquent désormais un sentiment de distance : « De longues études d'ordre scientifique me conduisirent à considérer le rouge, l'orangé et le jaune comme des couleurs toujours prêtes à s'éclaircir, à se faire plus lumineuses et le bleu, au contraire, comme une couleur fatalement destinée à s'assombrir, à paraître plus noire. Il en résultait un avantage certain à figurer par du bleu les corps solides, pesants et rapprochés et à réserver le rouge, l'orangé ou le jaune aux corps lumineux ou lointains, tel que le ciel ».
Charles Lapicque, a progressé à contre-courant parce que « la meilleure chance de demeurer actuel, c’est peut-être bien de ne s’inféoder jamais aux outrances de la mode », a apporté un grand bouleversement dans la peinture en posant les bases d’une figuration nouvelle.
La mer et le mouvement
L’artiste, qui voue une fascination sans borne pour la mer, aime aussi la vie et la musique : « toute mon œuvre est d’essence musicale ». Il aime exprimer le mouvement et veut faire place au temps dans ses tableaux. Il réussit à exprimer l’espace de façon inédite et offre une traduction nouvelle de la forme. Le rythme est omniprésent dans son œuvre (utilisation du contrepoint de la ligne et la couleur). Après avoir fait de l’abstraction figurative, Charles Lapicque emprunte au Cubisme les perspectives multiples et la transparence. En 1942, le système de la grille devient alors moins rigoureux. Le vert est intégré dans la gamme de couleurs. Il y a un éclaircissement de la lumière.
A partir de 1944, le style de Lapicque se libère en adoptant une technique issue du Surréalisme : le dessin gestuel ou dessin d’impulsion. Il pratique alors avec grande agilité les entrelacs et les trajectoires. La grille se tourne vers l’arabesque. Les dessins sont tracés presque inconsciemment sur divers supports et les techniques utilisées sont nombreuses : mine de plomb, lavis d’encre de Chine, crayon gras… Le regard que porte Charles Lapicque sur ce temps - imprévisible - qui s’écoule se rapproche nettement de la conception philosophique d’Henri Bergson. Le temps est une incessante création et l’instantané est illusoire.
A partir de 1946, il réalise une série de Régates et de marines où il multiplie le système des boucles et des entrelacs. Cette série de chefs d’œuvre, faite de traits larges de couleur pure et d’éléments sombres, montre une mer sans cesse réinventée. Les figures en huit couché dessinent la trajectoire du mouvement uni de la vague et du bateau.
En 1952, des études de mer offrent une énième réinterprétation du mouvement et ce, en utilisant toujours la technique de la transparence – technique empruntée à Raoul Dufy que Lapicque admirait infiniment. L’effet de transparence sera amplifié par l’utilisation du papier calque marouflé sur des toiles blanches : « la demi-transparence des voiles vient accroître l’impression du mouvement en nous rappelant qu’un court instant plus tôt nous avons vu le paysage qui se cache actuellement derrière elle »
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