Henri Rivière
On ne peut convoiter ce que l’on ne connait pas.
Texte de BERNARD dEROITTE aRMSTRONG FINE ART chicago
L’œuvre de Henri Rivière ne fut pas connue par les collectionneurs d’estampes aux Etats-Unis avant la fin du siècle passé. Il n’est donc pas étonnant de noter l’absence de cet œuvre dans les musées Américains, qui sont habituellement les bénéficiaires de la générosité des amateurs d’art. Mais tout comme l’estampe en couleurs Japonaise a déferlé sur le monde artistique occidental avec l’influence qu’on lui connait, il en est de même pour l’estampe en couleurs française de la Belle-Epoque dans le monde des collectionneurs d’estampes à partir des années 1970.
Grace à la recherche minutieuse de Valérie Sueur-Hermel, publiée dans le catalogue d’exposition de la Bibliothèque Nationale de France, intitulé Henri Rivière : Entre impressionnisme et japonisme, nous avons un aperçu chronologique des publications se rapportant à l’artiste. Et force en est de constater deux choses étonnantes. De un, avant 1974 il n’y-a aucun écrit sur Rivière en Anglais, à l’exception d’un petit article dans The Studio en 1900. Deuxièmement, non seulement Rivière est-il méconnu outre-Atlantique, après la première guerre et jusqu’en 1980 presque rien n’a été écrit sur l’artiste en France. Méconnu des français, il n’est donc pas étonnant de savoir Rivière inconnu ailleurs.
Et pourtant, c’est grâce en grande partie aux Américains que les estampes et dessins de Henri Rivière ont retrouvé dans le courant des 45 dernières années la reconnaissance qui leur est due. Un gain d’intérêt pour le japonisme pousse des conservateurs d’estampes dans des musées américains à se pencher sur l’estampe en couleurs française. C’est tout d’abord Colta Feller Ives qui en 1974 relance l’intérêt avec une exposition au Metropolitan Museum of Art de New York, et un catalogue que l’on retrouve dans toutes les bibliothèques d’amateur d’estampes, intitulés The Great Wave : the influence of Japanese woodcuts on French prints. Au même moment Phillip Dennis Cate entame sa carrière qui est presque entièrement vouée à l’estampe française de la fin du 19ème et le début de 20ème siècle. Grâce à de nombreuses expositions, catalogues, et articles, il est un des auteurs majeurs de l’engouement pour cette école d’estampe française.
Ce sont d’abords les Américains et les Britanniques qui se ruent sur ces estampes. Dès la fin des années 1970 des marchands font grimper des prix de façon régulière. Les galeries d’estampes françaises, qui sont encore détenteurs de fonds importants, sont ravis de pourvoir. Dans la frénésie est générale. Les collectionneurs Anglo-Saxon sont en tête de ligne, mais suivis de près par les Japonais, les Allemands…
C’est dans ce contexte d’enthousiasme général qu’Armond Fields commence ces recherches sur Henri Rivière. En biographe averti, et muni de connaissances sur l’estampe, étant lui-même graveur, Fields publie en 1983 en Anglais et en 1985 en français sont catalogue sur l’artiste. Ce catalogue se retrouvera dans des milliers de bibliothèques. Cette publication fait découvrir Rivière au grand public et il n’y-a aucun doute que c’est grâce à elle que l’œuvre de Rivière est reconnue aujourd’hui. Il s’en suit, depuis ce catalogue, des expositions et publications avec régularité. Depuis lors ont constate que l’étoile de notre artiste ne cesse de briller, aussi bien aux États-Unis qu’en France et ailleurs en Europe. Ce retour de manivelle, avec le monde Anglo-Saxon faisant petit à petit redécouvrir au français leur propre culture, est un phénomène commun dans le monde culturel. Il n’en reste néanmoins étonnant de voir à quel point la Bretagne et le Paris de Henri Rivière sont devenus des images phares pour les amateurs américains. Non seulement retrouve-t-on les estampes et dessins entre les mains privées aux États-Unis. Les musées sont maintenant aussi de plus en plus souvent détenteurs de bois et lithographies en couleurs, et parfois même de dessins. Ces œuvres sont exposées dans les musées dans des contextes de plus en plus diverses, ce qui augmente l’appréciation de ces images.
Henri Rivière, méconnu cent ans après avoir créé ces premières illustrations et dessins, est aujourd’hui reconnu comme un des auteurs d’estampes des plus singuliers de la Belle Époque, et ses œuvres sont aujourd’hui convoitées.