LÉOPOLD PASCAL
Peintre FNFL
1900-1958
Léopold, Eugène, Julien JOSEPH dit Léopold Pascal
L’œuvre de Léopold Pascal est de nos jours bien méconnue et pourtant cet artiste morlaisien connaît dès les années 1920 et son installation à Paris un réel succès public qui ne se dément pas jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale. Il expose alors dans nombre de galeries célèbres, dans les différents salons, l’État lui achète des tableaux... Ce succès est aussi un succès critique : on lui reconnaît talent et originalité. Ralliant la France Libre dès juillet 1940, il s’engage dans les Forces Navales Françaises Libres et devient entre 1942 et 1945 leur peintre officiel. Il décide de s’installer définitivement en Grande-Bretagne et plus particulièrement à Chelsea, pépinière artistique. Après avoir exposé régulièrement à Londres dans l’après-guerre, il ne revient sur les cimaises françaises qu’en 1955. Il décède à Londres le 30 décembre 1958.
Les origines, Saint-Jean-du-Doigt et Morlaix
Léopold, Eugène, Julien Joseph naît à Morlaix le 8 juillet 1900. Adolescent, il sillonne la campagne trégorroise à bicyclette et fait la connaissance de Jean Le Marchant de Trigon en compagnie duquel il peint à partir de 1916. Très rapidement, il adopte le nom d’artiste de « Léopold Pascal », bien qu’il signe vers 1920 « Léopold Pascal Joseph » ou « L. Pascal Josef », puis « Léo Pascal ». On trouve parfois encore la signature « Léopold J. Pascal » qu’il utilisera jusqu’en 1923, date à partir de laquelle il n’utilise plus que « Léopold Pascal ».
Il se marie à Morlaix le 26 octobre 1920 avec Camille Charlotte Pourroy, rencontrée dans le train. Le couple s’installe à Paris, 82 rue de la Tombe-Issoire (XIVème arr.), ce qui permet à Pascal d’être au plus près de la scène artistique parisienne.
L’entre-deux-guerres, la période parisienne
La première exposition – collective- à laquelle participe Léopold Pascal a lieu à Paris en janvier 1922 à la Galerie A.M. Reitlinger. Il y est remarqué et reçoit les encouragements du critique André Warnod sous la plume duquel on peut lire qu’une marine de Léopold J. Pascal est une fenêtre sur l’Océan. (...). L. J. Pascal a su mettre de l’air dans ses marines, il a su y faire passer le grand vent du large saturé de sel, imprégné d’embruns, il a su loin de toute convention nous montrer la mer sous son vrai visage, tantôt calme, tantôt terrible, souriant aux radieux matins ensoleillés, grondant sous un ciel noir de tempête. En décembre 1922, il participe à une exposition à la galerie Devambez, intitulée « Les Minuscules, exposition de petits tableaux et d’objets d’arts décoratifs ».
Ces premiers succès obtenus, Pascal présente en février 1923 sa première exposition personnelle à la Galerie Louis Carré, 23 quai Chateaubriand à Rennes. Elle s’intitule « Mers et ciels bretons », préfigurant ce qui va constituer l’un de ses thèmes de prédilection. La caractéristique principale de M. L. J. Pascal -qu’il s’agisse d’huiles, de ses lavis, de ses bois gravés- c’est le souci de la simplification. En quelques traits, en quelques coups de pinceaux, il sait réaliser un ensemble cependant complet. Voici un tour de force qui n’est pas à la portée de tous ; il dénote chez l’artiste une netteté de vue, une faculté d’analyse et de sélection tout à fait développées. Des oeuvres de Pascal, tout une poésie se dégage, il connaît la mer et il l’aime. Il la célèbre avec tout son coeur. L’un des premiers articles d’importance qui lui soit consacré paraît en juillet 1923 dans La Bretagne Touristique.
En janvier 1924, André Warnod organise une grande exposition collective, nous retrouvons au premier plan le grand artiste breton Léopold Pascal devenu Montmartrois... l’art n’a point de patrie. Il nous montre ici plusieurs aspects de la place du Tertre dans la pâte si riche qui lui est particulière. Il s’exprime simplement, sans fard, avec une sensibilité et une verve qui ajoutent à sa science des harmonies rares.
En février 1924, à la suite d’une nouvelle exposition à la Galerie Reitlinger, l’une de ses oeuvres « Saint-Jean-du-Doigt, la plage » est achetée par l’État pour 500 Fr. Il déménage au cours de cette même année s’installer avec sa famille au 34 rue Dupleix (XVème arr.). Il expose également au salon de la société « Les Amis des Arts » de Brest. Auguste Bergot, déclare que Pascal a vu son magnifique effort récompensé par l’achat de quelques toiles aux frais de l’Etat. Sa technique a bouleversé bien des choses établies, et, à ce titre, il s’affirme comme l’un de nos préférés (...). Mais que dire de ses marines ! Aucun, depuis dix ans, peut-être, ne nous a donné l’impression de vérité aussi forte et de mouvement aussi bien saisi lorsqu’il interprète le tumulte de la mer autour des roches. J’avais déjà remarqué sa marine l’an dernier au salon brestois et je l’avais franchement placée la toute première. En décembre 1924, La Bretagne Touristique lui consacre un article signé d’Octave-Louis Aubert. On y voit la reproduction de deux tableaux : « Fermes Bretonnes » et « A Saint-Jean-du-Doigt ». Cette même année, il présente ses oeuvres à la Galerie Mignon-Massart de Nantes. À partir de 1924, il expose régulièrement au Salon des Indépendants et ce, jusqu’à son départ pour l’Angleterre.
En 1925, Il participe à l’exposition de peintures de la Foire-Exposition de Rennes. La Bretagne touristique lui consacre à nouveau un article, se faisant l’écho laudateur des succès parisiens de Pascal : c’est vrai, ce Breton ardent, passionné pour son art, qui joint des qualités d’intelligence, de réflexion, de conscience artistique et de travail celles d’être un camarade charmant, éclectique dans ses admirations et joyeux dans ses amitiés nous apporte aujourd’hui l’œuvre novatrice d’un grand indépendant. En 1926, il expose à nouveau à Rennes : bien entendu, tous les artistes bretons, connus et appréciés des amateurs, s’y étaient donné rendez-vous (...) dont Léopold Pascal avec deux excellentes choses, notamment une toile « intérieur d’église à Saint-Jean-du-Doigt ».
Il expose également pour la première fois à la galerie Saluden à Brest du 22 octobre au 7 novembre. Cette exposition, qui porte le titre de « Quelques œuvres récentes », marque le début d’une collaboration qui se prolongera jusqu’au décès du peintre. Il y présente une trentaine de toiles, inspirées presque toutes pas sa petite patrie de Saint-Jean-du-Doigt, où il revient fidèlement chaque été communier avec cette terre, cette mer, ce ciel de chez nous, qui ont charmé ses yeux dès l’enfance et qui ont déterminé sa carrière d’artiste.
Au mois de décembre, se tient le « Salon du Franc » : il s’agit d’un salon qui présente un millier d’œuvres d’artistes qui sont vendues au profit du redressement du franc. Léopold Pascal s’y distingue, puisque c’est sa toile, « Plougasnou, pluie », que M. Paul Léon, directeur des Beaux-Arts, y a acquise pour le compte de l’Etat. Nous rappelons qu’au « salon du Franc » étranger, ce fut le portrait d’Anatole France de Van Dongen qui fut acheté.
Dès lors, les choses vont s’accélérer pour Pascal. Les années qui suivent sont celles de la reconnaissance : les expositions se succèdent, sa peinture plaît et se vend bien. En mars 1927, la Galerie John Lévy (28 place Vendôme) présente ses œuvres. Il expose aussi au Salon des amis des Arts de Brest, présentant six œuvres, dont deux représentent Grenelle. À la fin de l’année, il expose en compagnie du sculpteur Louis d’Ambrosio à la Galerie « Artiste et Artisan », 218, bd Saint-Germain à Paris. Cette exposition est clôturée par le président du Conseil Municipal de Paris et surtout par Edouard Herriot, alors ministre de l’Instruction publique.
Sa participation au salon des Tuileries de 1927 est remarquée : de Léopold Pascal, nous retrouvons avec plaisir de délicates harmonies : le « Port de Morlaix », « marine » et des natures mortes où s’affirme un talent très personnel apprécié par les amateurs de France et des États-Unis. À la fin de l’année 1928, il expose au salon d’Automne : sa « chaumière à Morlaix » mérite l’attention, mais moins pourtant que cette admirable « Neige à Grenelle » dont tous les amateurs connaissant déjà tout le prix.
Il expose à nouveau au salon des Indépendants en mars 1929. Le mois d’avril voit une publication d’un article important puisque la revue de référence l’Art et les Artistes lui consacre quatre pleines pages, illustrées de six reproductions. Il expose en mai à la Galerie E.D.M., rue du Bac : il y présente vingt toiles qui sont des marines, des vues de Morlaix, de Paris et des natures mortes. Maurice Facy écrit à propos de l’artiste que c’est un prestige rare, dévolu seulement au véritable artiste, que de pouvoir susciter l ‘émotion de la vie, par le seul jeu de deux ou trois tons assortis sur la toile. Pascal appuie ainsi, sur la gamme de ses gris incomparables, des tons d’une solidité extrême, des verts, des bruns, des pourpres assourdis qui font de ses natures mortes des morceaux parfaits d’élégance et d’expression. Pour l’auteur, la plus belle toile est « la Grève en Bretagne », vaste panorama d’une grève à marée basse, symphonie mélancolique de tous les gris dont sa palette dispose, gris du ciel, gris de la mer, tons blêmes des vases, virgules pâles des goélands, le tout éclairé, du fond de l’horizon, par une mince échancrure de clarté qui vient prolonger ses reflets sur tout le décor et lui donne une vie intense. Cette toile est d’ailleurs achetée par l’État, pour 2500 Fr., établissant sa cote à un niveau nettement supérieur. Au cours des mois de juillet et d’août 1929, son exposition à la Galerie de l’Essor a marqué un progrès de l’artiste. Il organise salle Pleyel une exposition des « Hommes, peintres de fleurs » à la fin de l’année 1929.
Le début de l’année suivante le voit présenter sept toiles à « l’Exposition permanente du Figaro » en compagnie d’autres artistes, tels André Devambez ou Lucien-Victor Delpy. Léopold Pascal présente à nouveau à la galerie E.D.M. en novembre 1930 une exposition intitulée « Marines ».
En février 1931, il expose chez Manuel frères : M. Léopold Pascal réduit plus encore ses gammes. Il lui suffit de gris, mais de gris gras, généreux, posés au couteau pour nous dire la fluidité de l’eau, ses clartés ou les limons qu’elle porte lorsque les crues la grossissent, ses reflets mouvants, sa tristesse morne sous les ciels chargés. Le rare de cet art, c’est que l’abondance de la pâte, capable de traduire la force, ne néglige aucune délicatesse dans les accords, aucune nuance du sentiment.
La crise économique du début des années 30 frappe durement le monde de l’art et les tableaux ne se vendent plus aussi facilement. Le succès public reste pourtant au rendez-vous ; lorsqu’il expose à nouveau à la galerie E.D.M. en décembre, est-il vrai, comme l’affirme le spirituel Marcel Achard, que le public, aujourd’hui, n’a plus de talent ? On en douterait à voir le succès de l’exposition du peintre Léopold Pascal. Cet artiste, assurément l’un des mieux doués, des plus passionnants de la jeune école française attire (...) l’aristocratie du bon goût.
C‘est pourtant une période plus difficile sur le plan matériel qui débute alors. La famille Pascal déménage dans un appartement appartenant à ses beaux-parents 142, boulevard Berthier (XVIIème arr.). Il y possède un vaste atelier, dans lequel il peut peindre en toute liberté. Cette pièce frappe d’ailleurs les visiteurs par son ordre et sa propreté.
Au cours de l’été 1933, la famille Pascal voyage vers la Normandie, région que Léopold Pascal apprécie et peint. Il y retrouve des gammes de couleurs proches de celles de Bretagne. En décembre, il participe au 2ème salon du « Billet de mille ». Lors du Salon des Indépendants de 1934, on peut admirer l’exposition d’ensemble de Léopold Pascal, notre compatriote morlaisien qui s’impose surtout par ses marines. Ses ciels sont d’une qualité incomparable, et il a su traduire la mélancolie des grèves finistériennes dans une gamme chatoyante des gris les plus subtils. Mais son talent ne se borne pas aux marines : on remarquera un chemin creux dans une tonalité très fine de verdures, des nus et des natures mortes. En février 1934, le Figaro Illustré indique que Léopold Pascal a profité, lui aussi d’une vaste cimaise, vingt-cinq toiles, toutes de 1933, forment un ensemble varié et attrayant. En septembre 1934, Léopold Pascal expose à Morlaix 43 œuvres récentes, essentiellement bretonnes.
Sa seconde exposition à la Galerie Saluden a lieu en 1935. Son frère Myk [Michel] Pascal et Yvonne Jean-Haffen exposent avec lui : le peintre Léopold Pascal a inauguré à la Galerie Saluden la série des expositions en présentant une importante suite d’études au crayon, singulièrement évocatrice des paysages qu’il aime traduire. Les critiques remarquent ses travaux et l’évolution de la matière de Léopold Pascal se poursuit avec un rare bonheur. Non seulement il recherche avec soin la matière, mais les tons gris, qu’il affectionnait autrefois ont fait place à des harmonies de teintes plus vives, à des notations très délicates, qu’il s’agisse de fleurs, de marines ou de paysages.
Parallèlement, il expose à Paris et doit donc faire plusieurs allers - retours entre ces deux villes dans le même mois, mais à bicyclette, moyen de locomotion qu’il affectionne. Il voyage pendant l’été en Belgique, mais les Ardennes ne l’inspirent guère.
Sa participation au salon des Indépendants de 1936 est remarquée, notamment une grande marine pleine d’embrun et de bruine, portant dans l’angle gauche cette inscription mobile : « Nous avons pensé que tu étais noyé dans ton café ? Nous avons froid, nous partons ». En février de cette même année, la Chambre de commerce de Brest lui achète un tableau : M. Léopold Pascal vient d’exposer au salon des Indépendants une toile qui a été très remarquée ; c’est un coin de notre côte sauvage du Nord-Finistère. L’œuvre est puissante est grandiose. La Chambre adopte, à l’unanimité, la proposition de son président et demande à M. le Ministre du Commerce et de l’Industrie, l’autorisation de prélever sur le fond de réserve spécial des bons de monnaie, une somme de dix mille francs destinée à compléter la décoration intérieure de son immeuble. Léopold Pascal décore également l’Hôtel des Voyageurs de cette ville.
En 1937, la revue « Bretagne » lui consacre un article d’importance de quatre pages. En mai, son exposition à la Galerie du Journal est inaugurée par un représentant du Directeur des Beaux-Arts de la ville de Paris.
Léopold Pascal participe à la décoration du pavillon breton de l’Exposition Internationale de Paris. Il est chargé, avec René Echapasse et Pierre Cadre, d’évoquer la marine marchande dans la Salle des activités. Sa contribution prend la forme d’un panneau de 5 m 70 x 2 m 85 qui porte sur les ports de commerce. Situé non loin de la tapisserie de Jean Bouchaud, entre le panneau consacré à l’industrie et celui de la pêche : il représente de haut en bas un pont transbordeur surplombant un navire, une rue de déchargement ainsi que deux dockers portant un sac. Le bas du panneau est occupé par un homme à la barre entouré de tonneaux et d’une ancre. Le style de Pascal n’est pas immédiatement identifiable sauf dans la partie haute, mais il est vrai que les sujets représentés restent exceptionnels dans l’œuvre de Pascal.
En février 1938, Léopold Pascal présente quelques toiles conjointement avec un grand nombre d’artistes bretons à la galerie Pelletan-Helleu à Paris : on remarque la présence de nombreux Seiz-Breur qui ont participé à la grande aventure du Pavillon Breton l’année précédente.
L’été 1939 voit la famille Pascal revenir en vacances dans la région de Morlaix. Pascal en profite pour exposer du 15 août au 15 septembre au Salon des Peintres de la Bretagne, organisé par l’Union Artistique de Quimper dans la salle des fêtes. Il s’installe au manoir de Pen-an-Ru à Coat-Sehro et décide de ne pas rentrer à Paris. Craignant la suite des événements pour sa famille, il effectue un remplacement comme professeur de dessin au collège de Morlaix, le titulaire ayant été mobilisé. Pascal réalise à cette époque toute une série (très réussie) de petites huiles sur carton représentant la région de Morlaix, qu’il vend pour compléter son salaire de professeur. Le succès de l’offensive allemande et l’arrivée des troupes en Bretagne vont amener Léopold Pascal à quitter la Bretagne.
Le tournant de sa vie : la Seconde Guerre Mondiale
Le ralliement à la France Libre
L’année 1940 marque véritablement un tournant dans la vie de Léopold Pascal. Il décide de quitter Morlaix le 19 juin 1940, alors que les Allemands vont atteindre la ville. Afin d’embarquer sur un charbonnier anglais, le South Coaster, il se rend accompagné de ses deux fils (Michel, âgé de 19 ans et Yonec qui en a 13) au Dourduff, où un pêcheur les emmène au navire qui et au mouillage en baie. Afin de financer son voyage, il doit vendre les originaux de l’ouvrage « Morlaix » qui n’est toujours pas paru à cette date. Le lendemain, ils débarquent à Penzance, en Cornouailles et sont alors internés par la sûreté anglaise dans un camp de transit. Léopold Pascal se sépare ainsi de facto de sa femme Camille. Il s’installe 49 Gloucester Avenue, Londres SW1 dans une famille française où il va rencontrer Lucette de la Fougère, qui va partager sa vie à partir de 1942 jusqu’à son décès.
Son fils Michel, s’engage dans les Forces Françaises Libres et combat en Afrique avec la 1ère D.F.L., tandis que le cadet Yonec, poursuit ses études et intègre le Royal Naval Collège de Dartmouth. En juillet 1940, Léopold Pascal décide de rallier la France Libre et est détaché auprès des services spéciaux. Il y aurait accompli plusieurs missions dangereuses en France occupée où on le débarquait avec le fidèle vélo qu’il avait apporté et qu’il devait abandonner précipitamment un soir où la poursuite de l’ennemi était particulièrement chaude. Si l’on excepte son « Journal inachevé », il semble ralentir ses activités picturales au cours de cette période. On remarque cependant sa première exposition londonienne, organisée au N°5, Chelsea Studios.
Dès août 1940, un groupe de bretons qui prend le nom de « Fidel Armor » se constitue à Londres sous la direction de Mme Thébault-Montgermont. Il s’agit d’une association d’entraide aux Bretons qui arrivent en Grande-Bretagne. Le mouvement se transforme en Sao Breiz (debout Bretagne) et va fonctionner à large échelle. Léopold Pascal prend une part active à la création de ce mouvement. Un bulletin de liaison mensuel, publié à Londres, est créé en 1941 : il a pour titre Sao Breiz, Revue des Bretons de la France Libre. Pascal va illustrer la totalité du premier numéro.
1941/1945, le peintre de La France Libre
Ayant été en contact avec la France Libre depuis son arrivée en Grande-Bretagne, il va s’engager comme peintre officiel des Forces Navales Françaises Libres. C’est le 1er septembre 1941 que Léopold Pascal signe son contrat d’engagement qui stipule entre autres choses que :
1°- Monsieur Pascal Léopold est engagé par les FNFL comme peintre officiel de la Marine, chargé de propagande, pour compter du 1er septembre 1941.
2°- Cet engagement est temporaire, n’est pas susceptible d’ouvrir des droits à pension d’aucune sorte que ce soit, et peut être résilié à tout moment par l’une ou l’autre partie, sous préavis d’un mois.
4°- L’uniforme est celui d’officier avec attentes, sans galons, avec brassard fixé au bras gauche, et portant l’inscription « War correspondant » au-dessus de la Croix de Lorraine brodée. (...)
Dès lors, il ne signe plus ses tableaux que de son nom, suivi de l’ancre à la Croix de Lorraine. Certaines oeuvres sont même signées simplement de ce symbole. Par sa nouvelle charge, il participe à des actions de propagande en faveur de la France Libre outre les tableaux, aquarelles, illustrations diverses (dons, ventes de charité, bureau des oeuvres), il réalise également des frises et de panneaux décoratifs. C’est en octobre 1942 que Pascal s’installe en compagnie de Lucette de la Fougère au 1, Ralston Street, Chelsea SW 3, ou il vivra jusqu’en septembre 1958.
Il participe dans le courant de l’année 1942 à une manifestation artistique organisée par le French Committee of National Liberation : il s’agit d’une exposition intitulée « France seen by contemporary British and French Painters », qui a lieu à Londres : 59 toiles sont de peintres britanniques et 41 de peintres français, parmi lesquels on remarque Abel Bertram, Bernard Boutet de Monvel, Dunoyer de Ségonzac, O. Friesz, André Lothe, Matisse, Osterlind, Signac, Vlaminck…
L’Ecosse
Les premières années de l’œuvre de Pascal au Royaume-Uni sont très marquées par L’Écosse. Ceci s’explique par l’implantation en mai 1941 d’une base F.N.F.L. à Greenock, à l’embouchure de la Clyde qui sert de base aux corvettes F.N.F.L. qui vont s’illustrer au cours de la guerre. Elle compte jusqu’à 1500 marins qu’il faut accueillir et distraire à terre. Un premier foyer d’accueil est inauguré le 29 octobre 1941 : il porte le nom de Continental Sailors Club, foyer interallié situé à Gourock, une ville voisine. Un hôpital militaire, l’hôpital auxiliaire de Knockderry Castle, reçoit les marins blessés à leur débarquement. Greenock, à proprement parler, accueille l’Etat-major de la base, une caserne qui sera par la suite baptisée Caserne Commandant Birot ainsi qu’un Foyer du Marin français, le French Naval Center.
Ce foyer est un ancien casernement de la Royal Air Force est offert aux Français en juillet 1942. Ce lieu nécessite pourtant d’importants travaux de réfection et de décoration : les équipages et particulièrement les hommes qui travaillent actuellement à la décoration du Foyer semblent manifester beaucoup d’enthousiasme, ce qui permet d’augurer du succès de cette œuvre. Léopold Pascal y réalise, en une quinzaine de jours, pas moins de 35 peintures murales, qui représentent des paysages. Le bâtiment est inauguré le 13 novembre 1942 par R. Hill. Il occupe tout un immeuble situé à Greenock à proximité du port. Il comprend une vaste salle de récréation avec bar et restaurant, un dortoir de 40 lits pour les équipages, une salle pour les officiers mariniers avec 12 lits, une salle de lecture et une bibliothèque, les décorations murales, particulièrement réussies, ont été exécutées par M. Pascal. L’artiste décore dans la même ville le Cercle des officiers. En 1944, Lord Inverclyde, président de la branche écossaise de la British Sailor’s Society demande à Léopold Pascal de décorer un autre bâtiment, l’Inverclyde merchant Seamen’s Center (ou Inverclyde Sailor’s Centre), qui est un centre d’accueil pour les marins de la Marine Marchande en escale à Greenock. Il y peint des fresques qui représentent essentiellement des vues de l’estuaire de la Clyde. Le 24 mars 1944, le bâtiment est inauguré par la duchesse de Kent qui y admire les travaux de Pascal et décrit le centre comme « le plus agréable quartier résidentiel pour les marins dans ce pays ».
Ses travaux ne se limitent pas à Greenock, il va aussi décorer la maison Franco-Ecossaise de Glasgow de 70 peintures murales. Cette maison est destinée à servir de club et de centre de ralliement aux soldats français et canadiens français ainsi qu’aux marins de la marine marchande. Ces œuvres sont traitées à la manière d’une aquarelle : le fond est clair, le trait esquissé. Chaque pièce est décorée dans des tonalités différentes. La plupart des sujets sont français : le salon est décoré de vastes fresques ayant pour thème les rivages bretons, la salle de lecture possède une dominante de panneaux marins : au-dessus de la cheminée, on reconnaît une corvette en mer, qui est dédicacée à la mémoire du Commandant d’Estienne d’Orves. La salle à manger est quant à elle décorée de natures mortes, tandis que d’autres pièces sont ornées de paysages chers à Pascal comme la forêt de Marly, ou des vues du Bois de Boulogne. Il représente également deux paysages écossais, dont un Moor of Rannoch de grande taille.
Dans cette même ville, il va décorer le Central Hotel, situé dans la gare centrale, où il descend régulièrement à l’occasion de ses voyages écossais. Cet hôtel est dirigé par un Français, M. Vacher. Ses travaux ne s’arrêtent pas là, puisqu’il réalise en 1943 des peintures pour la Maison Française d’Edimbourg au 28, Regent Terrace.
Naturellement, il va aussi travailler pour les navires des F.N.F.L. : les carrés et les cabines des corvettes (classe Flower) Aconit, Commandant Détroyat, Commandant Drogou, Lobélia, Renoncule, Roselys reçoivent des décors signés Pascal. Il en va de même pour le sous-marin Curie ainsi que, de manière plus surprenante, le carré du destroyer polonais Burza et la corvette HMS Orchis, navire de la Royal Navy. Il décore également le HMS Towy, frégate de la Classe River qui stationne à Greenock dans la seconde partie de l’année 1943. Son commandant remercie d’ailleurs Pascal, constatant qu’il était si envieux des peintures faites sur les autres navires de son groupe mais [qu’il] est maintenant plus fier qu’eux tous, étant le premier navire britannique décoré par ses soins. C’est d’ailleurs à la demande des officiers du Towy qui visitant les corvettes françaises, demandèrent à Pascal de faire de même dans leur unité. Après accord de l’Amirauté, Pascal se met à l’œuvre. Il va décorer en 1945 un autre navire britannique, le porte-avion le HMS Vengeance, y réalisant sept grands panneaux ingénieusement marouflés dans les wardrooms de cette unité et traités de cette manière rapide et légère qui ont fait de Pascal un novateur de l’art mural d’aujourd’hui. Parmi des paysages maritimes d’Angleterre et d’Ecosse, les « Quais d’Auteuil à Paris » y viennent apporter le visage et l’esprit de la France, et n’est-il pas intéressant de relater que c’est à la requête des officiers du bord que cette peinture fut spécialement exécutée ?
L’Angleterre
Léopold Pascal va aussi décorer des casernes en Angleterre. La principale base F.N.F.L. en Grande-Bretagne est Portsmouth. En septembre 1941, les F.N.F.L. demandent à l’amirauté britannique l’autorisation de construire un dépôt à terre capable de loger au maximum 400 personnes. Inauguré officiellement le 1er août 1942 à Emsworth-Havant, à une dizaine de kilomètres au nord de Portsmouth, cette caserne reçoit le nom de Bir-Hacheim (ou Bir Hakeim). Pascal y réalise en 1943 des fresques pour le théâtre, le carré et le bâtiment du commandant.
Dans la capitale britannique, il existe une Compagnie de Passage (C.P.L.) destinée à l’incorporation des nouveaux arrivants. En 1942, Léopold Pascal en décore le mess des officiers de scènes de batailles navales. En 1943, il se rend à Fleetwood (dans le Lancashire) et y peint en avril-mai 20 peintures murales pour le Foyer du Pêcheur : vues de Bretagne, de Normandie, de navires de pêche, de phares et des marines. Le chef du service des pêches précise que les rapports qui ont été faits au sujet de la décoration qui a été confiée à vos soins, montrent que grâce à votre concours, nos pêcheurs basés à Fleetwood disposeront d’un cadre absolument unique. Le conseil de la ville de Fleetwood se propose, paraît-il, d’acheter la maison que vous avez préparée après la guerre si, comme nous l’espérons tous, les peintures sont restées en bon état. Des instructions spéciales ont été passées au gérant à ce sujet.
Actions de Propagande
Le dernier volet des actions de Pascal en tant que correspondant de guerre est sa participation à un certain nombre de manifestations de Propagande en faveur des F.N.F.L. Dans toute la Grande-Bretagne, des associations d’entraide se montent. On peut ainsi citer le Fighting France Coordinating Committee for Glasgow and West Scotland, présidé par John Burns, Très Honorable Lord Inverclyde of Inverness, Lord Lieutenant for Scotland, avec lequel Pascal se lie d’amitié et réalise en 1943 dans son château, Castle Wemyss, une fresque représentant la plage de Saint-Jean-du-Doigt. Une autre structure est le French Welfare Committee, présidé par Lady Flavia Anderson. Le 5 septembre 1942, Pascal se rend ainsi en septembre 1942, en compagnie du Médecin-général Sicé à Penzance, puis à Truro participer à des manifestations du Cornish-Breton Committee. Tout naturellement, il participe aussi en Ecosse à une célébration identique.
Ces actions de propagande peuvent prendre la forme d’expositions : c’est ainsi que Pascal expose deux toiles à Glasgow lors d’une exposition du Royal Glasgow Institute of Fine Arts : l’une est intitulée « Anchorage in Brittany », l’autre est le portrait du Contre-Amiral Auboyneau. En novembre 1943, Pascal est à nouveau à Glasgow, car le Welfare Fund présente, 30 tableaux de Pascal regroupés sous le nom de « Reflets de France ». Elle se tient à la galerie Pearson & Westergaard du 13 au 31 octobre 1943. C’est la première exposition de Pascal qui donne lieu à l’édition d’un catalogue, qui recense les 33 tableaux exposés. Ces tableaux sont en majorité des huiles sur carton, car Pascal a du mal à se fournir en toiles à cette époque. L’essentiel d’entre eux sont des vues de Bretagne, à l’exception de trois tableaux appartenant aux F.N.F.L. Une toile a été prêtée par le Général de Gaulle, l’autre par l’Amiral Auboyneau.. Lord Inverclyde l’inaugure, rappelant qu’à cette date, plus de deux cents peintures murales apportent aujourd’hui aux différents Foyers et Cercles de la Marine Française un esprit et un luxe unique en Grande-Bretagne, et d’autre part les curieuses décorations exécutées à bord des corvettes qui depuis trois ans portent bien haut le pavillon aux trois couleurs.
En février 1945, Pascal revient pour la première fois en Bretagne et confie à des amis qu’il se dispose à partager son temps entre la France et la Grande-Bretagne, à jamais unies pour moi, pour tous. Ma mission d’art s’est élargie. Comme toutes ces toiles que j’ai retrouvées ici me semblent vieilles, dépassées !
Le conflit s’achevant, sa charge de peintre des F.N.F.L. n’a plus lieu d’être : Les services de Monsieur Pascal L.J., peintre de la Marine engagé par contrat depuis le début de septembre 1941 au service des FNFL n’étant désormais plus nécessaire, je propose, d’accord avec l’intéressé, que ce contrat soit résilié. je propose que Monsieur Pascal reçoive un préavis d’un mois, à compter du 1er novembre 1945 et reçoive un mois de congé payé à l’issue de ce délai. La fin de ce contrat n’a pas trop de conséquences pour Pascal, car il a été nommé, en même temps que Lucien-Victor Delpy, Jean Helleu et André Lemoine peintre titulaire du département de la Marine.
En 1946, tandis que la base de la Clyde ferme ses portes, Léopold Pascal met à la disposition du LV Langlais quatre tableaux, dont les deux triptyques peints pour le cercle naval de Greenock. Ils sont offerts aux municipalités de Greenock et de Glasgow, ainsi qu’au Président (c’est-à-dire Lord Inverclyde) et à la secrétaire du Fighting French Committee de Greenock. Par ailleurs, le ministère des armées l’accrédite auprès de l’attaché naval en Grande Bretagne pour l’exécution d’oeuvres qui pourraient lui être confiées, mais ceci ne signifie aucunement que la Marine lui passe commande.
La seconde guerre mondiale s’achève alors que Léopold Pascal a repris contact avec le milieu artistique. Il bénéficie en Angleterre d’une solide renommée liée et à la qualité de son travail et à son engagement personnel auprès de la France Libre. Il lui faut cependant vivre, et Pascal va s’investir dans une affaire d’exportation de tracteurs qui n’est guère couronnée de succès.
L’après-guerre, les succès londoniens
La guerre terminée, Léopold Pascal décide de rester vivre à Chelsea. Il y habite depuis 1942, en compagnie de Lucette de la Fougère, peintre elle aussi. Le 23 juillet 1945, le général De Gaulle le nomme Peintre Officiel de la Marine pour une période de trois ans. Son mandat est renouvelé en 1948 et expire le 23 juillet 1950. Il est le seul peintre autorisé à signer ses oeuvres de l’ancre de marine à la Croix de Lorraine, qu’il utilise généralement (mais non exclusivement), après son nom. Depuis son installation en Angleterre, qui est une rupture dans sa vie, à la fois personnelle et artistique, Léopold Pascal ne signe ses oeuvres que de son seul nom. De plus, il abandonne les toiles pour ne plus peindre jusqu'à sa mort que sur carton ou isorel, à de rarissimes exceptions près.
Fanch Gourvil a bien su retranscrire l’évolution stylistique de Pascal au cours de ses années britanniques. Lui rendant visite en 1951, il remarque aux cimaises des toiles ou il y reconnaît de prime abord la facture large, les gris tourmentés d’un Boudin rajeuni d’un siècle, la pâte ferme et le vigoureux dessin qui classaient déjà entre 30 et 40 mon camarade Léo parmi les talents les plus en vue de l’école montparnassienne. Cependant, le ciel britannique semble avoir fondu, harmonisé si je puis dire, les différents aspects de ce talent, de manière à en faire un tout représentatif de sa prenante atmosphère - si proche parente de la nôtre. Nous connaissons avec précision la palette des couleurs de Pascal dans la dernière partie de sa vie : premièrement par un texte de sa main, dans lequel il présente sa manière de travailler, et en second lieu, par des factures de fournisseurs : on y relève les couleurs suivantes : bleu outremer foncé, blanc de Titane, jaune cadmium et du vernis à retoucher.
Pascal explique quelle est sa palette : je peins avec un couteau ou une brosse, ou les deux. J’utilise principalement le noir, la terre de sienne brûlée, l’ultramarine le jaune et le blanc. Occasionnellement, si je peins des fleurs par exemple, j’ajoute du rouge de cadmium et du jaune de cadmium. Ma palette est la plus restreinte que vous puissiez imaginer.
Dès janvier 1946, Léopold Pascal expose en son nom personnel : c’est à l’Annan’s Gallery de Glasgow qu’il présente 47 oeuvres qui sont des huiles ainsi que des encres rehaussées à l’aquarelle, dont certaines aquarelles destinées au projet « La Manche ». Des portraits de Lord Inverclyde, de Robin Millar, de Lucette de la Fougère, ainsi qu’un autoportrait, sont présentés. On y trouve également des natures mortes, mais aussi des vues de la région Parisienne (Quais de Paris, la Seine à Conflans), ses premiers travaux exposés de Chelsea (A window in London, Snow in Chelsea...), des vues d’Ecosse (Greenock, Greenock-wood street, Snow on the roofs-Glasgow, Shipping on the Clyde, Glasgow-fog...) et beaucoup de paysages bretons, dont un surprenant (par son thème) Thoniers à Morgat.
Cette exposition est également remarquable, car elle présente pour la seule fois (à notre connaissance) des assiettes de porcelaine peintes par Pascal : ce sont huit pièces uniques qui reprennent les thèmes que nous venons d’évoquer.
Le 10 avril, une nouvelle exposition de Pascal est inaugurée à Glasgow par Philippe Monod, Consul-général de France. Cette exposition a lieu à la Grant’s Gallery dans Prince Street. Le 12 mai 1946, la princesse (future reine) Elizabeth visite le Inverclyde Sailors’ Centre et admire les fresques de Pascal.
La première grande exposition londonienne de ses oeuvres se tient à l’Institut Français du Royaume-Uni du 16 novembre au 10 décembre 1948. Il s’agit en fait d’une rétrospective depuis ses débuts : on y trouve à la fois des oeuvres bretonnes mais aussi parisiennes, normandes, anglaises ou écossaises... Il fait alors la connaissance de son directeur Henri Jourdan, qui peut être considéré comme l’un des éléments clés de la reconnaissance de Pascal en Grande-Bretagne.
Parallèlement, Pascal expose aussi à la Chelsea Gallery du 17 novembre eu 3 décembre, mais il s’agit ici d’oeuvres récentes. Cette exposition est à l’initiative d’un artiste londonien, Robin Goodwin qui habite alors Tedworth Square. Il découvre les oeuvres de son voisin, Léopold Pascal et l’encourage à exposer dans galerie. Cette date est importante, car elle est celle des premiers pas « officiels » de Pascal parmi les artistes britanniques de Chelsea qui ne vont pas tarder à l’adopter.
Pascal n’a pas rompu les liens forts l’unissant à l’Ecosse : il expose ainsi du 28 avril au 30 mai 1949 à l’Institut Français d’Edinburgh. Cette exposition présente 37 œuvres. À la fin de cette année, Pascal expose à nouveau à l’Institut Français du Royaume-Uni de Londres, proposant un ensemble cohérent de 25 oeuvres nouvelles qui ont pour thème « Chelsea et la Tamise ». L’inauguration se fait en présence du maire de Chelsea, George L. Turnbridge et du Consul Général de France, Xavier Gautier, témoignant de la notoriété grandissante de Pascal à Londres.
En 1950, Pascal devient président de la Chelsea Art Society, société de peintres britanniques. Ce fait permet de mieux mesurer l’exceptionnelle (à tous les sens du terme) intégration de Pascal dans ce milieu.
Il va se rendre au pays de Galles en mai, afin d’y réaliser quelques toiles et assister à l’inauguration de son exposition de Swansea. Le choix de cette ville peut surprendre, mais s’explique par l’amitié qui unit Pascal et l’ancien commandant de la base de la Clyde, Henri Langlais, devenu consul à Cardiff. C’est sans nul doute grâce à cette amitié que Pascal peut exposer du 24 mai au 17 juin 1950, des huiles, aquarelles et des dessins à la Deffet Francis Art Gallery. Cette première exposition au pays de Galles est une très similaire à celle d’Edinburgh de l’année précédente : on y retrouve donc des oeuvres bretonnes, londoniennes ou écossaises. Il est à Nantes à la fin de l’année : le conseil municipal de la ville lui demande à cette occasion d’organiser pour l’année suivante une exposition de peintures du pays de Galles, Nantes et Cardiff étant jumelées. De retour en Angleterre, Pascal réalise quelques aquarelles et huiles des marais salants de Batz-sur-Mer. En effet, il ne travaille presque jamais sur le motif mais est doué d’une formidable mémoire photographique qui lui permet de reproduire une scène observée parfois longtemps auparavant.
En décembre 1950, la Chelsea Art Society présente au Pier Hotel de Chelsea un Anglo-French show, où Pascal est bien évidemment mis en valeur. L’organisateur de cette manifestation est le secrétaire de cette société, George Hill, dont Pascal fit un portrait saisissant. Elle est inaugurée par l’acteur bien connu Peter Ustinov, qui réside alors à Chelsea.
Pascal reçoit en 1951 une commande des chemins de fer britanniques pour réaliser des tableaux de navires qui seront ensuite exposés dans leurs bureaux de Piccadilly.
En mai 1951, la Chelsea Art Society expose à nouveau au Pier Hotel sur le thème de « Chelsea, passé et présent ». Parmi les artistes présentant leurs oeuvres, les amis de Pascal comme Patrick Larking, Brenda et Leslie Cole, ou Claude Prescott. Pascal y présente six oeuvres. En novembre, Pascal revient de son voyage annuel en France et est réélu à la tête de la Chelsea Art Society, qui prévoit d’exposer au salon des Indépendants l’année suivante, mais aussi de présenter au public britannique une sélection de livres d’artistes, édités par Bernard Klein, dont Montmartre le village enchanté, illustré par Utrillo, Les Rues de Paris, illustré par Vlaminck et le Chelsea, still the enchanted village qui doit être réalisé par Léopold Pascal.
C’est à nouveau au Pier Hotel que Pascal va consacrer une exposition à la partie de Chelsea qui borde la Tamise : elle s’intitule Cheyne Walk et se tient du 15 février au 15 mars 1952. Xavier Gautier, Consul Général de France inaugure cette exposition. Cette exposition occupe une place un peu à part dans le parcours de Pascal : les travaux qu’il présente sont en fait les illustrations (encres rehaussées à l’aquarelle) prévues pour le livre écrit par Peter Bernard et édité par Bernard Klein, Chelsea, still the enchanted village. Il apprend par ailleurs qu’il n’est pas renouvelé comme peintre titulaire de la Marine, son indépendance de caractère s’accordant mal avec les exigences liées à ce statut. Il en restera fort amer.
Pascal fait partie d’autres sociétés de peinture, dont le Royal Institute of Oil Painters (R.O.I.), association fondée en 1882, mais aussi de la Royal Society of British Artists (R.B.A.), et du New English Arts Club (N.E.A.C.), fondé à l’époque de Whistler, de la S.M.A (Society of Marine Artists) Toutes ces associations tiennent salon tous les automnes. Il est admis parmi les Britanniques, à tel point qu’il sera sélectionné au sein d’un groupe de 10 artistes anglais qui représentent leur pays lors d’un concours pour le Prix Guggenheim à New-York !
En mai, il présente sa démission, comme président et comme membre, à la Chelsea Art Society, suite à des divergences avec George Hill. Parallèlement, Pascal monte un nouveau groupe artistique avec des transfuges de la Chelsea Art Society : il se nomme le New Chelsea Group. Il en devient le trustee. Ce groupe est parrainé par the Earl Cadogan. Ses membres d’honneurs sont l’Amiral Georges Thierry-d’Argenlieu, qu’il a connu pendant la guerre et dont il a réalisé un portrait, le Capitaine R.L. Edwards, de la Royal Navy, (qui n’est autre que le maire de Chelsea) et l’acteur Laurence Olivier, qui vit alors en compagnie de Vivien Leigh dans une maison dont le jardin est contigu au sien. L’un des buts avoués de ce nouveau groupe est de faire connaître l’art britannique à l’étranger, et spécialement en France. La première exposition du groupe n’a pas lieu à Chelsea, mais à Kensington, à l’Institut Français du Royaume-Uni : Pascal a pu s’appuyer sur son ami Henri Jourdan afin de faire vivre (artistiquement) son nouveau groupe à la lumière. C’est avant tout une présentation au public des travaux du New Chelsea Group où l’on retrouve Lucette de la Fougère, Brenda et Leslie Cole, Anthony Devas, Moris Kestelman, Patrick Larking, Rodrigo Moynihan et Hayward Veal. Pascal n’y expose que six toiles, trois vues de Chelsea, une marine, un bouquet de fleurs et un portrait de Lucette. Cette exposition est un succès public.
En juin 1953, la participation de Léopold Pascal à la cinquième exposition des Artists of Chelsea est remarquée. Dès lors, il exposera tous les ans des tableaux lors de ce salon. En novembre, une nouvelle exposition du New Chelsea Group a lieu... au Greyhound Inn, à Llantrissent ! Les exposants sont alors six : Brenda et Leslie Cole, Patrick Larking, Hayward Veal, Lucette de la Fougère et Léopold Pascal qui expose cette fois 23 tableaux, sur les 70 pièces présentées !
L’année suivante est une année de succès pour Pascal : il expose en compagnie de Lucette de la Fougère à l’Ohana Gallery de Londres du 3 au 20 février 1954. Lucette de la Fougère expose des céramiques animalières, principalement des chats, tandis que Pascal présente 26 huiles et 10 aquarelles. En décembre 1954, il va présenter une grande rétrospective de son travail sur quinze ans à l’Institut Français du Royaume-Uni à Londres. L’exposition s’intitule « Léopold Pascal, période anglaise 1940-1954 » : ce ne sont pas moins de 50 huiles et 13 aquarelles qui sont présentés au public. En fait, 10 tableaux ont été peints entre 1940 et 1945, 8 entre 1946 et 1949 et 32 entre 1950 et 1954. L’exposition donne lieu à l’édition d’un luxueux catalogue. C’est à la suite de cette exposition que Bruno Bassano, galeriste parisien, prend contact avec Pascal et lui propose de l’exposer dans sa galerie de la rue Grégoire de Tours. Ceci va marquer son retour en France.
1955/1958 : le retour sur la scène française
Dublin ... et Paris !
Au début de l’année, Pascal participe à un certain nombre de salons à Londres. En mai, il participe à l’exposition annuelle des Artists of Chelsea. Sa contribution est une fois de plus remarquée : quality, couleur and artistry make Pascal’s work a firm favourite in many a Gallery. Un autre critique note d’ailleurs qu’ironically enough, it is a french artist, Léopold Pascal, who is the most impressive, with a slate-coloured « Battersea » a scene of glorious rain-bedraggled misery and « Chelsea snow » with the same qualities.
La seconde partie de l’année 1955 est une période chargée, puisque Pascal prépare deux expositions presque simultanément : l’une à Dublin, l’autre à Paris. En septembre, Pascal achève les derniers tableaux pour Dublin qui sont pour la plupart des paysages de France et de Bretagne tandis que ceux destinés à Paris sont des paysages britanniques, et en particulier de Chelsea. Il a peint à cette date près de 70 oeuvres pour ces deux événements... L’exposition irlandaise est un succès public, relaté par les journaux locaux. Revenu à Chelsea, il écrit le 13 à sa mère : me voici à la veille de cette exposition à Paris. Espérons que tout ira pour le mieux. Pascal est inquiet car il s’agit pour lui de ne pas manquer ses retrouvailles avec la France.
Pascal expose à la galerie Bruno Bassano du 23 novembre au 10 décembre 1955. Parmi les invités à l’inauguration, Pascal retrouve certaines personnes perdues de vue depuis l’avant-guerre, dont Pierre Bertrand, peintre de la Marine ou les critiques André Warnod et Charles Chassé. Pascal y expose 30 tableaux, ainsi que des dessins et des aquarelles. Ce sont surtout des vues anglaises. Charles Chassé sera d’ailleurs un peu dépité de ne pas voir de toiles bretonnes... Bruno Bassano déclarera par la suite que l’exposition que j’ai entreprise en novembre dernier des oeuvres « anglaises » de Pascal, pour sa rentrée à Paris après plus de quinze ans d’absence fut l’une des plus belles que j’ai présentées au grand public. La peinture de Pascal est toute harmonie, elle est une personnalité dans la tradition.
Il reprend dans le même temps contact avec la galerie brestoise Saluden où il avait déjà exposé avant la guerre. Mme Saluden lui écrit au début du mois de décembre : quelle bonne surprise que ce catalogue d’exposition m’annonçant votre apparition de nouveau en France et que tous vos amis espèrent que votre séjour se prolongera jusqu’au Finistère et que nous aurons le grand plaisir de vous voir et d’avoir une belle exposition de vos oeuvres. Pascal est revenu le 2 décembre en Angleterre, afin de se soigner, le moins que l’on puisse dire est que ce n’est pas de chance, car mon exposition marchait à fond et que j’aurai ainsi pu rencontrer les nombreux amateurs qui la visitaient. Il déclare en outre être maintenant entre les mains de Bassano qui est un homme charmant et l’un des quelques marchands éclairés à qui l’on peut faire confiance. Mon exposition de l’an prochain est déjà fixée et appuyée par la réputation que je me suis faite ici. J’ai bon espoir de rejoindre bientôt les hommes de têtes de ma génération. Je serai ravi d’exposer chez vous, cela me rappellera le bon vieux temps et d’un autre côté, cela me situera à nouveau en Bretagne ? Mais il faudrait pour bien faire que cette exposition soit préparée de longue date et qu’elle puisse marquer un coup décisif dans votre milieu d’amateur. Il a la joie de voir l’une de ses oeuvres entrer au National Museum of Wales à la fin de l’année 1955.
Retour en Bretagne
Au début de cette année 1956, Pascal participe également à diverses expositions collectives d’artistes de Chelsea, suivant le principe d’expositions dans des villes habituellement délaissées du milieu artistique.
La galerie Saluden présente au cours du mois de janvier 1956 certaines des toiles de Pascal : en ce moment j’ai une vitrine de vos oeuvres. Le lendemain, j’ai vendu l’une de vos roses et 2 jours après un petit paysage et suis-en pourparler pour l’un de vos grands tableaux. Il peut donc préparer dans de bonnes conditions son retour en Bretagne qui lui tient à cœur. Pascal estime qu’il aura tout le temps de préparer quelque chose d’important et de faire préalablement la publicité nécessaire. Outre les vingt tableaux exposés chez Bassano, il prévoit d’envoyer depuis Londres une trentaine d’autres oeuvres, huiles et aquarelles.
L’inauguration de l’exposition brestoise a lieu le 22 mai 1956. Sur les 30 tableaux présentés, 9 viennent de Paris, et 21 sont des nouveaux travaux venus de Londres. Le National Museum of Wales prête le tableau « Neige à Chelsea ». Fidèle à son habitude, il n’expose alors que des sujets britanniques et des natures mortes. Largement couverte par les journaux, cette exposition est aussi un succès et ses toiles se vendent bien. Pascal repart à Londres avant la fin de l’exposition et est de retour en Grande-Bretagne le 31 mai. Il se déclare très heureux de l’accueil reçu à Brest après cette longue absence. Il a revu Edouard Mocaër, Fanch Gourvil, Jean de Trigon, Auguste Bergot, Pierre Péron ou encore Jim-E. Sévellec qui lui rend d’ailleurs hommage : A l’un de ceux que je considère comme un des grands peintres actuels de notre Bretagne.
Rentré à Londres, il prépare une nouvelle exposition, « Vingt oeuvres récentes du peintre Léopold Pascal », à l’Institut Français du Royaume-Uni (du 20 novembre au 3 décembre). Ces toiles sont des travaux inédits. Si les thèmes abordés sont classiques chez Pascal, il faut signaler l’exception que constitue une toile : « Saint-Tropez » (n°5) sujet qu’il n’aborde qu’exceptionnellement. Ce tableau intrigue d’ailleurs la critique, peu habituée à ce ciel d’un bleu méditerranéen. L’explication de Pascal est que c’est une réaction à l’été médiocre que Londres avait connu cette année… Un article qui présente son autoportrait en première page vient de paraître dans la revue britannique Art News ans Review. Dans le même temps, il présente 17 oeuvres à la Piccadilly Gallery du 27 novembre au 12 décembre. Cette exposition s’intitule « Léopold Pascal, sequel to the French Institute Exhibition » et propose des toiles qui n’ont pu être exposées à Kensington.
Cette année 1956 s’achève, et Pascal a un autre projet de longue date qui lui tient à cœur et qui va enfin se concrétiser : exposer, pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, dans sa ville natale, Morlaix.
1957 : Morlaix et Brest, deux expositions majeures
Pascal annonce à Charles Chassé en janvier 1957 qu’il prépare maintenant quelque chose de très important pour Morlaix en juin prochain. Cette exposition se fera au Musée ou à la Mairie et comprendra une centaine de toiles sous la forme d’une rétrospective. J’ai également l’intention d’exposer à Rennes et l’hiver prochain à Paris.
Pascal va s’appuyer sur Jean de Trigon afin de préparer cette exposition de Morlaix. En mars, ce dernier l’informe des démarches qu’il effectue : rencontre avec les officiels (le maire M. Le Duc et son adjoint M. Le Brun), envoi de photographies à la presse afin d’annoncer l’exposition, réservation de la salle qui est finalement celle de l’hôtel de ville, et enfin préparation du matériel publicitaire (prospectus, affichettes et surtout catalogue) ...
Le catalogue va être l’objet de tous les soins des deux hommes : Jean de Trigon songe à Charles Chassé pour la présentation « officielle », à Fanch Gourvil qui parle de ta carrière et à lui-même : je fais le jus genre l’homme et son œuvre, quelque chose de personnel. Jean de Trigon fait parvenir à Pascal des lettres pleines d’humour, en particulier lorsqu’il s’agit de constituer les textes du catalogue. Le meilleur exemple est peut-être cette lettre du 13 mars 1957 dans laquelle il explique avoir fait une sorte de « Digest » de ce qui eût fait un long article. Le titre « Pascal mon ami » sent un peu « arbre mon ami » de Minou Drouet.
Léopold Pascal et Lucette de la Fougère passent quelques jours à Lanildut chez Edouard Mocaër avant l’inauguration officielle de l’exposition, le 28 juin. Placée sous l’égide de la Société d’Etude du Finistère, elle s’intitule « Pascal, Période anglaise, 1940-1957 ». C’est une rétrospective qui présente 60 oeuvres variées représentant tous les aspects de la peinture de Pascal. Pour l’occasion, la Mairie de Morlaix arbore une grande banderole : « Exposition Pascal ». Le succès espéré semble être au rendez-vous et Jean de Trigon s’enflamme : la victoire est complète : 18 tableaux vendus ! (...) Je constate aujourd’hui que plusieurs acheteurs possibles restent sur leur appétit. On te demandera peut-être des toiles. (...) Je t’assure que si tu peignais en Bretagne, une clientèle copieuse te suivrait : tu plais énormément. (...) Morlaix a vraiment donné dans le jeu. Il faut que tu fasses un coup du tonnerre à Paris. Un peu plus tard, faisant le bilan de cette exposition, il ajoute : Ton expo à Morlaix a été « sensas » pour notre ville de Morlaix. Tu es de nouveau présent dans tous les esprits et tu aurais des clients nombreux pour tes paysages bretons. (…) Une « Campagne de Bretagne » peut te fournir un Austerlitz. Le soleil t’attend !
Les problèmes de santé qu’il rencontre de manière aiguë depuis l’année précédente se résorbent peu à peu et l’été 1957 est favorable : je me suis remis au travail afin d’avoir des choses nouvelles à notre prochaine exposition et finalement, l’expo de Morlaix a en effet très bien marché. En fait, Pascal va choisir une nouvelle voie : je vais vous faire parvenir une exposition entièrement nouvelle d’une cinquantaine de petits tableaux sur l’Ecosse et l’Irlande. C’est donc une exposition totalement inédite qui est présentée à la galerie Saluden du 17 septembre au 1er octobre. Comme il l’a annoncé, elle s’intitule « Pascal et les Pays Celtiques : Ecosse et Irlande ». Chacun de ces pays est représenté par 20 toiles, tandis que vingt autres sont consacrées à des natures mortes, des fleurs ou des marines. Ce sont surtout des petits formats. Sur les soixante tableaux présentés, une cinquantaine a été réalisée dans les mois précédents. Ils possèdent une unité de style et de palette. Ces oeuvres forment un ensemble cohérent, et facilement identifiable. Ce bel élan est stoppé par sa maladie qui s’aggrave subitement, a tel point qu’il doit être hospitalisé au cours de l’hiver.
1958 : les dernières toiles
Le début de l’année 1958 le voit donc affaibli. Il charge alors son ami Edouard Mocaër de s’occuper de l’organisation matérielle de son exposition prévue à la Galerie Charpentier à Paris. Il faut attendre le mois de juin pour qu’il puisse voyager à nouveau. Au cours de l’été 1958, accompagné de Lucette de la Fougère, il traverse la France et se rend au Castellet (dans le Var) chez son éditeur Bernard Klein où il séjourne trois semaines. Cependant, la lumière méridionale ne l’enthousiasme guère et il ne peint que peu. Il remonte alors, vers la Bretagne et plus exactement à Castel Morvan (Lanildut) chez les Mocaër. Il a l’occasion d’y rencontrer le romancier Henri Quéffelec. Pressé par sa compagne et ses amis, il y retrouve le goût de la peinture et produit en quelques semaines 42 toiles, pleines de poésie, de couleur, de sûreté dans le trait et la composition.
Le 26 septembre, le couple rentre à Londres pour y apprendre qu’ils sont expulsés ! Ils sont donc contraints de quitter Ralston Street où ils vivaient depuis 16 ans pour emménager en toute hâte au 392 Upper Richmond Road (sud-ouest de Londres).
Pascal et Lucette de la Fougère exposent 25 tableaux à l’Institut Français du Royaume-Uni à partir du 12 novembre 1958 : certains datent en fait de l’année précédente, comme « Cork, la Lee », exposée à Brest en 1957, mais l’essentiel d’entre elles ont été réalisées chez Edouard Mocaër à Lanildut. Pascal est alors très touché par le mal qui le ronge et l’introduction du catalogue, rédigée par Henri Jourdan, s’en fait l’écho : Peut-on le dire ? Affaibli par une longue maladie, Léopold Pascal avait lâché ses pinceaux. Et voilà que dans sa Bretagne natale, encouragé par ses amis, captivé par un jardin en fleurs, il reprend palette et pinceaux, préparés par des mains attentives. Et de touche en touche, le tableau naît, renaît sous ses doigts. Et d’autres tableaux suivent, colorés, somptueux, nerveux. La lumière et la joie retrouvée s’y donnent rendez-vous. Une sorte d’allégresse virtuose les parcourt, comme au sortir d’une longue méditation.
Léopold Pascal décède à son domicile de Richmond le 30 décembre 1958, deux mois après s’être installé. Il est incinéré le 6 janvier 1959 à Putney. Selon ses dernières volontés, ses cendres sont déposées en août 1959 au cimetière de Saint-Jean-du-Doigt sous une dalle d’ardoise sur laquelle on peut lire : « Ici repose Léopold Pascal, artiste Peintre, 1900-1958 » et qui est ornée de l’ancre à la Croix de Lorraine des F.N.F.L.
Conclusion
L’œuvre de Pascal, réalisée entre 1920 et 1958 est indéniablement à redécouvrir, elle comporterait plusieurs milliers d’œuvres (toiles, tableaux, aquarelles…), auxquelles il faut ajouter environ 400 peintures murales.
Léopold Pascal va être surtout un peintre des littoraux. Ses sujets de prédilection sont certaines portions de la côtes bretonnes : la baie de Morlaix (dont il est originaire) ainsi que le Bas-Léon, où il séjourne. Il ne représente qu’exceptionnellement les Côtes-d’Armor, le Morbihan ou l’Ille-et-Vilaine. À l’exception des toiles normandes, il n’a guère peint d’autres régions françaises. Le sud, où il séjourna pourtant parfois ne l’inspira guère, ne correspondant sans doute pas à sa palette chromatique. Le Royaume-Uni par contre fut une source d’inspiration précieuse dans la seconde partie de sa vie et il y réalisa certaines de ses plus belles toiles.
Il serait pourtant réducteur de ne considérer que comme un peintre de marine : Léopold Pascal est également un peintre des villes, que ce soit Londres ou Paris.
Remarquons que dans la presque totalité de ces oeuvres, les hommes n’occupent qu’une place réduite : ils sont le plus souvent absents, ou ne sont que de simples silhouettes, tâches de couleurs dans un horizon immense. Nombre de toiles de Pascal se caractérisent par la profondeur du tableau et par une lumière savamment travaillée. Toute sa vie, Léopold Pascal poussa sa recherche dans ce sens. Il ne participe pas à des expériences picturales qu’il connaissait pourtant : il s’en tient à une gamme de sujets, de couleurs, de tons qui sont en fait son inlassable champ de recherches. Que de différences de traitement entre une plage de Saint-Jean-du-Doigt à ses débuts et la même à la fin de sa vie ! Les tableaux de cette dernière époque sont traités avec des transparences, des nuances subtiles.
Il est également un peintre renommé de natures mortes, ses bouquets sont peut-être sa seconde spécialité. Nous mettons à part ses portraits, qui sont de deux types : ses proches et amis ou des portraits de commande, de personnages officiels.
Au terme de cette étude, nous ne pouvons que nous interroger sur les raisons du désintérêt qu’a pu connaître l’œuvre de Léopold Pascal.
Ceci est sans doute lié à une conjonction de facteurs. Certains sont liés à son histoire. Il quitte Morlaix dès le début des années 1920 pour s’installer à Paris et y expose très rapidement seul, et se trouve en marge du milieu des artistes Bretons, n’étant ni engagé politiquement, ni dans le circuit du professorat des écoles des Beaux arts. Farouchement indépendant, il refuse d’être rattaché à une quelconque école artistique. Léopold Pascal est un homme qui suit sa voie.
En outre son départ pour l’Angleterre marque une réelle rupture personnelle certes mais aussi artistique. À la veille de la guerre, Léopold Pascal a 40 ans. Le témoignage de Jean de Trigon nous éclaire un peu sur l’homme : les journaux relataient fréquemment les expositions particulières des peintres morlaisiens parvenus à la notoriété : Mary Piriou, et notre ami Léopold Pascal qui revenait, l’été, pour peindre sur les grèves bretonnes, ces marines que l’on voit aujourd’hui dans plusieurs musées. Ce fut en sa compagnie que je fis la connaissance de Moïse Kisling, devenu l’un des artistes les plus marquants de l’époque moderne. Assis au café de la Terrasse, il s’amusait à lire simultanément « L’Action française » et « L’Humanité ». « C’est amusant » disait-il. Il est devenu un artiste reconnu, qui participe aux salons parisiens, qui a bonne presse auprès de la critique, qui est acheté par l’État et de nombreux collectionneurs. À Paris, il fréquente le milieu de Montparnos, connaît Marc Chagall, Abel Bertram avec lequel il se lie. Il est apprécié : je connais la haute estime dont l’entourent ses amis de Paris, amis des lettres et amis d’atelier, depuis Fernand Divoire et Marcel Sauvage jusqu’à Vlaminck. Le critique Camille Mauclair le place au premier plan, au même titre de Mathurin Méheut ou le graveur Jean Frélaut. Signac souligne ses mérites. Le poète Saint-Pol-Roux lui écrit ton art est un coquillage dont les nacres insaisissables reflètent des trésors de rêve et de beauté.
La plupart des articles qui lui sont consacrés insistent sur plusieurs points : son refus d’assimilation à une quelconque école picturale, une grande indépendance d’esprit mais aussi … sa grande passion de la bicyclette avec laquelle il se déplacera toute sa vie durant. C’est peu dire qu’en quittant la France, il quitte aussi le milieu des arts français. Bien qu’il réussisse à percer au Royaume-Uni, il faut attendre les dernières années de sa vie pour qu’il renoue les liens distendus avec son pays d’origine.
Empreinte d’une profonde nostalgie et d’un attachement sans faille à la Bretagne, l’œuvre de Pascal est maintenant à redécouvrir, à considérer avec un regard nouveau, permettant de lui donner la place qu’elle mérite.